Le viaduc des arts propose quelques bonnes adresses parisiennes pour l’homme. Parmi celles-ci, tu trouveras au numéro 53 de l’avenue Daumesnil l’atelier de Philippe Atienza. Maître bottier passé par de grandes maisons parisiennes, il a décidé de prendre son indépendance il y a trois ans pour ouvrir un atelier de botterie traditionnelle où il propose avec son équipe la réalisation de souliers sur-mesure pour homme et femme. J’ai eu la chance de visiter l’atelier l’été dernier une première fois, puis de suivre la réalisation de la paire d’un ami. J’ai donc voulu en savoir un peu plus sur le parcours et les réalisations de ce jeune atelier indépendant.
Un parcours dans de grandes maisons parisiennes
Philippe a débuté son parcours chez les compagnons du devoir. C’est sa passion pour les chevaux qui l’amène à s’intéresser aux métiers du cuir puis à la botterie. Après son tour de France qui lui permet de se former auprès de divers maîtres bottiers, il intègre la maison John Lobb Paris (celle-là même qui produit le Prêt-à-chausser John Lobb, et qui a son atelier mesure à Paris) où il restera pendant 21 ans. Dans l’atelier de Lobb, il va évoluer sur les différents postes de botterie, ouvrier de pied, réalisation de patronage, de la tige, avant de devenir chef d’atelier puis responsable du département mesure.

En 2006, après cette longue expérience qui lui aura permis de participer à toutes les étapes de la réalisation d’un soulier, et de la gestion d’un atelier, Philippe intègre la maison Massaro en tant que directeur général. Bottier spécialisé dans la chaussure pour femme appartenant à la maison Chanel, c’est un nouveau monde qui s’ouvre.

De nouvelles techniques à appréhender, un autre fonctionnement, une collection couture… il y restera 9 ans. C’est donc fin 2015 qu’il prend son indépendance pour créer son propre atelier. Son objectif ? Faire de la botterie dans les règles de l’art, sans compromis comme on lui a appris.
Un atelier de botterie pour homme et femme
Une offre inédite
Ce nouvel atelier est l’occasion de réaliser tous ses projets. Proposer une vraie offre homme et femme, avec des modèles conçus pour chacun. A part Massaro, où il en avait déjà été l’architecte, c’est à ma connaissance le seul à proposer cette double offre. Mais ce n’est pas tout Philippe souhaite aussi transmettre son savoir.

En prenant des apprentis bien sûr, mais aussi en proposant des formations permettant de découvrir les métiers de la botterie. Une collaboration avec une école de mode, pour réaliser les projets des élèves, est aussi un moyen de se confronter à des univers différents de la botterie traditionnelle (et de montrer qu’on peut allier mode et production de qualité).

La réalisation des souliers est exemplaire. Il faut une soixantaine d’heures pour réaliser une paire, l’atelier en produit environ 40 par an. Aucun raccourci n’est pris, une attention particulière est portée à chaque détail, le talon, les renforts intérieurs, du fil de lin est utilisé à la place de fil en nylon…

Le choix des peaux est lui aussi primordial. Pour de la mesure, on ne peut utiliser que de très belles matières premières. Malheureusement, les plus belles peaux sont réservées aux marques de luxe, il faut donc réussir à tirer un maximum sur les peaux disponibles tout en évitant les défauts qui pourraient être présents.

Une clientèle exigente
Lancer un atelier de mesure n’est pas chose aisée. Les clients sont peu nombreux, exigeants, et de plus en plus éduqués au sujet. Heureusement, Philippe a pu commencer avec quelques clients fidèles qui ont continué de lui faire confiance. Aujourd’hui, sa clientèle se développe, à la fois à l’international et en France. 70% des commandes sont passées pour des hommes, même si les proportions se rapprochent de plus en plus de 60% de commandes homme et 40% de commandes femme.

L’évolution de la clientèle est d’ailleurs un phénomène intéressant à étudier. En étant de plus en plus calée sur le sujet, elle oblige à une gestion du relationnel différente. Il faut passer plus de temps à expliquer au client ce qui est réalisé, à répondre à ses questions. Le client est plus présent, il apprécie de voir l’avancement de sa paire, c’est un nouveau temps à prendre en compte.

l’avantage de commander chez un artisan proche de chez soi, c’est de pouvoir voir notre commande qui se construit petit à petit
Concernant son style, Philippe n’en définit pas un en particulier. Il veut pouvoir être à l’écoute du client, répondre à ses envies. Il est là pour garantir au client une réalisation de haut niveau technique, mais sans rien lui imposer sur le style. Cela peut donner des choses très originales, comme des chaussures pour femme avec un talon plateau de 23cm !

Et pour la suite ?
La troisième année d’existence de l’atelier ayant commencé, l’équipe, qui compte maintenant 4 personnes, a trouvé son rythme. Philippe souhaite continuer à développer sa ligne, en créant de nouvelles propositions de modèles. Bien sûr l’aspect formation est toujours très présent dans la vie de l’atelier. Pour la suite, la multiplication de Trunk Shows à l’étranger sera un bon moyen de proposer ses services au plus grand nombre d’amateurs et de faire rayonner la botterie française à l’étranger.

Philippe Atienza en plein travail
Enfin, pour coller à l’actualité, Philippe a participé au championnat du monde de botterie organisé à Londres lors du Super Trunk Show le 7 avril. Ce concours a réuni une trentaine de bottiers du monde entier. Arrivé troisième, c’est une vraie reconnaissance de son talent et de sa maîtrise des techniques bottières. Bravo !


