Trouver une bonne paire de chaussures milieu de gamme, voilà un projet bien compliqué. Déjà parce que la notion de milieu de gamme est assez floue. Où la fixer ? Un soulier à 200€ est déjà un budget conséquent comparé au budget moyen pour une paire pour homme en France qui est d’un peu moins de 60€. Pourtant, si on s’intéresse uniquement au marché des chaussures de qualité, qu’on peut résumer à celui des chaussures cousues, 200€ représentent plutôt l’entrée de gamme. J’ai tendance à considérer que l’entrée de gamme va de 150€ à 250€, le milieu de 250€ à 500€, et ce qui est au-dessus du haut de gamme (qu’on pourrait encore diviser en plusieurs catégories). C’est bien sûr une vision complètement personnelle, basée sur ma seule analyse. Ces dernières années, le marché de la chaussure a été particulièrement dynamique, avec des créations de marques pour tous les budgets et tous les styles. Dans ce flux continu d’annonces et autres posts sur les réseaux sociaux, certaines marques passent, et d’autres intriguent. C’est le cas de TLB, dont nous allons parler ci-dessous.
Toni Llobera Mallorca
Pour être honnête, je n’ai pas connu TLB via les réseaux sociaux, mais lors du Super Trunk Show de Londres en avril. Cet événement (dont c’était la seconde édition cette année) permet de réunir des marques liées à l’univers de la chaussure venant du monde entier. C’est donc là que j’ai pu rencontrer Toni Llobera le fondateur de la marque et Raquel Fernandez la responsable du marketing et de la communication.

L’histoire de TLB fait partie de celle de la famille de Toni. Son père et son grand-père travaillent dans l’industrie du cuir depuis que celle-ci a commencé à se développer à Majorque, et plus particulièrement dans la ville d’Inca dont ils sont originaires. Dans les années 70, alors qu’il n’avait que 20 ans, son père a ouvert son premier atelier d’accessoires en cuir et a commencé à produire des ceintures pour plusieurs grandes marques internationales. C’est dans ce même atelier qu’il y a 20 ans, Toni a commencé à apprendre le travail du cuir et à découvrir l’économie qui l’entoure aux côtés de son père avec qui il passait tous ses weekends et ses vacances. La principale leçon que son père lui aura donnée est de toujours chercher l’excellence dans les détails. Et c’est avec ce leitmotiv que Toni continue aujourd’hui de proposer ses produits.

TLB est avant tout un projet personnel. La finalité de toutes ces années d’expérience à apprendre a été de chercher à développer un produit toujours meilleur. Après avoir lui-même travaillé dans l’industrie dans la chaussure, Toni a décidé de se lancer une fois qu’il était certain qu’aucun concurrent ne pourrait proposer un produit aussi bon que le sien. Car c’est là le but principal de TLB, proposer un produit de qualité, avec les meilleurs matériaux possibles, à un prix raisonnable.
Aujourd’hui, l’entreprise compte 40 personnes, qui gravitent autour d’un atelier à l’ambiance familiale. Cet atelier produit des souliers cousus Goodyear en respectant les processus techniques utilisés depuis des décennies et maîtrisés par des ouvriers hautement qualifiés. La couture est cousue sous gravure, c’est-à-dire qu’une fine lèvre de cuir est entaillée tout le long de la semelle avant que la couture ne soit faite. Elle est repliée ensuite et collées ce qui donne à la semelle un aspect totalement lisse sans tranchée. Au-delà de l’aspect de la réalisation technique, l’équipe de TLB s’astreint à un choix bien précis de ses matières premières et à un contrôle qualité rigoureux, pour être sûr que chaque paire qui sort de l’atelier correspond aux standards de qualité voulus par Toni et attendus par ses clients. Une grande partie de la force de TLB réside donc, comme tu peux te l’imaginer dans sa totale indépendance. En créant son propre atelier, Toni peut décider de tout, que ce soit au niveau de la réalisation, mais aussi des fournisseurs qu’il va sélectionner pour le moindre objet. Au-delà des peaux, qui sont souvent ce à quoi on pense en premier, cela veut dire que tout ce qui constitue la chaussure, même ce qui est invisible, a été sélectionné avec soin, et n’a pas été dicté par d’autres. Pour ce qui est des peausseries, puisque ce sont elles que nous clients allons voir en premier, elles viennent de grandes tanneries européennes qui fournissent les grands noms du marché.

Mais une bonne marque n’est rien sans un solide réseau de distribution ! En particulier lorsqu’il s’agit de chaussures, où le confort est primordial, et les retouches hyper limitées. Et pour une fois, la France qui généralement figure dans les dernières positions lorsqu’il s’agit de trouver des marques récentes est bien servie. En effet, en plus du site de la marque qui propose l’intégralité de la collection et l’option de MTO (j’y reviendrai) et Skolyx, l’e-shop suédois dédié aux souliers, TLB a plusieurs revendeurs en France parmi lesquels Atelier Constance, Cuirs Saint Dominique, Oscar, Rainbow, Upper ou Prestige Masculin. De quoi permettre un essayage toujours nécessaire pour évaluer le chaussant. Que demander de plus ?
L’offre TLB : juste ce qu’il faut, et même un peu plus
Passons maintenant au plus important, les souliers. Et là, TLB propose tout ce qu’il faut. La marque propose tous les classiques qui permettront aussi bien à quelqu’un qui débute sa garde-robe qu’à une personne qui a besoin de la compléter de trouver son bonheur. J’ai compté pas moins de 23 patronages différents (13 richelieus, 4 derbies, 2 mocassins, 2 double-boucles et 2 bottines), proposés chacun dans au moins 2 couleurs (on retrouve différentes références qui permettent de proposer du noir, du bordeaux, et plusieurs teintes de marron parmi lesquelles certaines ont un effet un peu plus patiné que d’autres, tout cela sans compter le veau-velours). Mais mieux encore, certains modèles sont proposés dans différentes formes pour s’adapter à un maximum de pieds. Avec un total de 50 références, il y a déjà de quoi faire pour une marque aussi jeune. On remarquera que les patronages sont très classiques, bien équilibrés pour être portés facilement et avec tous types de tenues.

En plus de chaussures, TLB propose aussi une série de ceintures disponibles dans l’ensemble des cuirs proposés pour le prêt à chausser, de quoi simplifier le problème d’accord ceinture/chaussures lorsqu’on a trop de teintes de marron. Elles sont proposées à 95€ et dans 8 tailles différentes.
Mais venons en à l’élément le plus différentiateur de la marque. Le site internet a été conçu pour proposer immédiatement une option de souliers personnalisés (Made To Order, MTO). Comme je le disais un peu plus haut, le catalogue de modèles de la marque est bien fourni. Pourtant, passé un certain stade (celui où ton banquier connait le nom de la plupart des chausseurs du marché), tu vas pouvoir affiner ton choix. Une marque ne peut proposer tous ses modèles, dans toutes ses formes, et dans tous ses cuirs. Or tu te rendras vite compte que seules certaines formes te conviennent, et c’est le premier cas où pouvoir personnaliser ta paire devient intéressant. Le second est celui d’un placard déjà bien complet, où tu vas vouloir ajouter une paire que tu auras imaginée.

Certaines marques proposent un service de MTO assez vaste pour cela, on imagine le patronage, on choisit la forme, le(s) cuir(s), et c’est parti. Le coût est en général entre 30 à 50% plus élevé que celui d’une paire standard. Pour faciliter ce système, TLB a décidé de limiter légèrement les options en ce sens que seuls les patronages de la maison peuvent être choisis (mais encore une fois, il y a déjà de quoi faire énormément de choses), on peut ensuite choisir parmi 4 formes disponibles dans 3 largeurs (F/G/H) chacune, de quoi réussir à chausser un maximum de pieds. Chaque pièce de cuir peut avoir un cuir différent parmi une sélection de 20 peaux (du noir, bordeaux, marron, bleu, lisse, veau-velours ou grainé). Si tu pars sur un richelieu full-brogue, tu devras donc choisir le cuir pour 6 morceaux différents sans compter la doublure (amis du patchwork, c’est à vous…). Viennent ensuite les options habituelles : le médaillon (4 dessins), la construction (simple, double semelle, storm welt, en 4 couleurs différentes), la semelle (6 options selon qu’on veuille du cuir, de la gomme, de la gomme seulement comme un patin, ou une semelle Redenbach qui sera facturée 25€), les lacets (plats ou ronds, noirs ou marrons) et enfin la possibilité d’avoir son nom écrit à l’intérieur sur la doublure. Le tout proposé pour des pointures de 5 à 12. Le surcoût reste modéré. Alors que les modèles en prêt-à-chausser sont proposés à 365€, le MTO est facturé 475€.
Test du richelieu Morrisson

Pour tester les produits de TLB, j’ai donc choisi un richelieu full brogue, dans un marron assez clair, le Morrisson. Depuis quelques temps, je cherche en effet à ajouter des richelieus marrons à ma garde-robe et j’avais envie de quelque chose d’un peu plus clair que d’habitude qui devrait rapidement prendre une jolie patine. Bien que j’aie quelques modèles austerity (sans perforation), je suis très amateur de brogues, de plus le côté très informel du modèle le plus chargé en terme de patronage s’associe bien avec ce cuir clair. N’ayant pas un travail où une tenue formelle est exigée, je peux me permettre de l’assortir à une grande partie de mes costumes et pantalons.

A la réception, j’ai été totalement satisfait par la paire. Les finitions sont extrêmement propres, le cuir est très beau, épais, sans défaut apparent même après quelques ports. Je suis très content de pouvoir trouver dans cette gamme de prix une couture Goodyear sous gravure, c’est une finition purement esthétique, mais qui donne un côté plus propre à la semelle et je trouve dommage qu’on ne la trouve pas partout au-dessus de 300€ (sauf pour des modèles très campagne). N’étant pas forcément un grand expert technique, j’ai montré ces chaussures à des personnes plus compétentes (Romain des Cireurs Parisiens et Anthony de la cordonnerie Canale) qui m’ont confirmé que ce produit est bien né !

A ce stade, après quelques ports, je suis entièrement satisfait par cette paire, je ne jugerai pas de la qualité globale, car seuls le temps et quelques dizaines de ports diront si toutes ces conclusions positives sont confirmées, mais il est certain, par rapport à ce qu’on peut trouver dans la même gamme de prix, que les chaussures TLB sont hautement recommandables ! Je ne manquerai pas d’ici un an de faire un retour sur le vieillissement de celles-ci.
Un beau produit pour un bel avenir
Ce qui est passionnant avec TLB, c’est que la marque est jeune. Bien qu’elle soit déjà bien développée, Toni et son équipe peuvent encore réaliser énormément de choses. Cela passera par la disponibilité dans de nombreux magasins de grandes capitales, et, dès septembre prochain une présence dans 15 magasins au Japon ainsi que différentes enseignes à Taiwan, Singapour, et dans toute l’Asie, avant de se développer dans le monde entier. Autant dire que les opportunités sont nombreuses.
S’il ne fallait en garder qu’un ? Pour Toni ce serait le Dylan sur la forme 534. Un derby avec plateau cousu main, parfait pour un weekend décontracté dans les rues d’Inca.