J’ai toujours eu une certaine réserve vis-a-vis des réseaux sociaux. On peut très vite y devenir extrêmement visible (c’est le but), pourtant en général il n’est pas facile de se faire une opinion sur la qualité réelle des produits présentés. Depuis quelques temps pourtant je suivais sur Instagram les publications d’une petite sartoria napolitaine dont le travail me semblait particulièrement intéressant. Lors de mon dernier passage à Naples, j’en ai donc profité pour m’arrêter « quelques instants » à la sartoria Cuomo.
Présentation
La sartoria Cuomo c’est avant tout un jeune tailleur, Vincenzo Cuomo, qui a décidé de se lancer à son compte comme tailleur sur mesure dans une ville déjà bien pourvue. Mais Vincenzo n’en est pas étranger au monde sartorial pour autant. L’art tailleur, comme souvent est une histoire de famille! Son père est tailleur itinérant pour une très grande maison napolitaine, et son oncle est lui-même tailleur.

La sartoria se trouve dans le bâtiment Serra di Cassano, au 14 Via Monte di Dio, à deux pas de la Piazza del Plebiscito et du café Gambrinus. Vincenzo a rejoint son oncle, Raffaelle Pelliccia dans ce bâtiment historique il y a peu. On accède à l’atelier après avoir traversé une cour intérieure en prenant un petit escalier (heureusement, comme dans beaucoup de bâtiments napolitains, il y a un gardien qui peut vous indiquer le chemin à suivre).

La sartoria est un modèle de simplicité. Elle est composée de 2 pièces. Un salon pour accueillir les clients et procéder aux essayages, et une pièce de travail où Vincenzo et son oncle se partagent les deux tables de travail présentes. A part une machine à coudre, rien que du fil et des aiguilles!
Le travail : l’artisanat avant tout
La sartoria Cuomo ferait presque figure d’exception en 2017. Alors que beaucoup de petites structures se sont créées ces dernières années en Italie, avec quelques employés, imposant l’organisation de Trunk Show à l’étranger pour se créer une clientèle assez nombreuse, Vincenzo fait tout l’inverse. Étant seul, le besoin d’aller chercher cette clientèle ne s’impose pas. En effet, il se déplace très peu, et surtout pour des clients qui auraient besoin d’un essayage dans une autre grande ville d’Italie (l’aller-retour se fait dans la journée, pratique). On retrouve le fonctionnement de petites maisons de tailleur « de quartier » qui travaillent en grande partie pour des clients locaux.
Venons en aux réalisations de Vincenzo. Je dois avouer avoir été très agréablement surpris. J’ai eu l’occasion de le regarder travailler pendant près de trois heures (alors même que je pensais rester une petite demi-heure), tout en m’expliquant pourquoi tout doit être fait à la main. On dit généralement que ce qui sépare la demi-mesure de la grande, c’est le passage de la 2D à la 3D pour l’élaboration du patron. J’ai pu en voir la parfaite illustration en regardant Vincenzo sculpter un col de veste, en le faisant passer d’une toile plate à un col ayant un volume, étudié pour s’adapter au mieux au physique du client. Pour y arriver? Un fer, et un tissu humide. Rien de plus. Uniquement la main de l’homme qui vient répéter les mêmes geste pour obtenir la forme voulue. Ici on ne peut pas tricher avec la technique. Bien sûr lorsqu’on travaille seul, on ne peut pas tout internaliser. Comme pour beaucoup de tailleurs, Vincenzo fait faire son pantalon à l’extérieur, avec bien sûr la même exigence de qualité que ce qu’il s’impose à lui-même.
Pour ce qui est du style, on retrouve bien ici l’école napolitaine, aucun doute! Veste avec une construction ultra légère (mais pas déstructurée pour autant), épaule naturelle, sans padding (ou très peu). Mais ici encore, rien n’est exagéré. La spalla camicia possède quelques fronces, mais sans être extrême, on reste « discret », rien de caricatural. Puisqu’il paraît que le diable s’habille à Naples se cache dans les détails, j’ai été conquis par les poches plaquées que réalise Vincenzo. Leur forme est parfaite. Ni trop droite, ni trop arrondie, on est dans le juste équilibre qui donne toute cette particularité aux poches plaquées à Naples.

Une belle aventure à suivre, et à tester !
Être tailleur n’est pas un métier évident. En particulier dans une ville aussi symbolique que Naples. Pouvoir passer cet après-midi avec Vincenzo et son oncle Raffaelle a été une expérience passionnante. A une époque où tout le monde cherche à s’agrandir, voir une structure comme celle-ci montre qu’il est encore possible de faire les choses simplement. J’ai l’habitude de dire que l’art tailleur c’est avant tout de l’humain, alors je ne peux que te conseiller d’aller rendre visite à Vincenzo pour l’écouter te parler de sa passion pour son métier et de son exigence envers son travail. Nul doute que ce sera le meilleur argument pour déclencher une commande!