Les gens devraient se marier en hiver. C’est une évidence, non ? Quand même, c’est vexant ces mariages l’été ! Imagine, nous sommes invités à un mariage et on veut se faire beau, trois pièces ? Croisé ? un beau pardessus ? Que nenni ! Il va faire 30° et ta tenue doit reléguer le style au deuxième plan pour préférer ton confort personnel. Quelle frustration…. Non pas qu’il n’y ait pas de beaux tissus d’été, loin de là, mais en général c’est ce dont on s’occupe en dernier lorsqu’on construit son vestiaire, et en général c’est plutôt trop décontracté pour un mariage (enfin, ça dépend du mariage, mais quand même…).
Alors bien sûr j’aurais pu te faire un almanach des tissus portables l’été sans mourir noyé dans sa propre transpiration mais ce ne serait pas très intéressant, tu trouveras déjà 50 articles qui référencent tout ça (ne crois pas ce qu’ils disent, chacun son ressenti, teste par toi-même…). Je te propose donc de t’expliquer comment j’ai construit ma tenue pour le mariage d’un ami ayant eu lieu il y a quelques semaines.
Posons le contexte
Parler de tenue de mariage dans son ensemble n’a que peu d’intérêt, entre les mariages royaux qui imposeront le morning suit et le mariage en chemise liberty et nœud papillon en bois de ton pote bobo reconverti en éleveur de chèvres dans la Creuse, il y a plusieurs mondes… Il n’y a que toi qui sais comment tu dois/veux t’habiller pour un mariage.

Dans le cas présent, le mariage était décontracté, thème « champêtre chic ». Première info extrêmement importante, le mariage a lieu en juin dans le Vaucluse, autant dire qu’on ne risque pas d’avoir froid. Cette donnée sera un paramètre non négligeable. Deuxièmement, Jonathan, le marié, est sartorialiste lui aussi, il faut être à la hauteur. Comme il a construit sa légende sur un uniforme fétiche, nous (petit groupe de geeks de la chose sartoriale) décidons de lui rendre hommage en adoptant cet uniforme, puisque lui ne pourra pas le porter. Ce sera donc blazer – pantalon gris – richelieu marron à bout droit. Voilà de quoi bien orienter le tout.
La préparation de la tenue, quelques semaines de réflexion
Tu t’en doutes, une fois ce choix de tenue fait je commence à cogiter… Mon vestiaire estival est un poil limité.
Pour le pantalon, c’est très simple. Il se trouve que pour les périodes chaudes j’ai un pantalon en fresco gris moyen. Il sera idéal (j’en ai même deux tellement ce tissu est idéal). Le fresco c’est un de mes tissus coup de cœur. Comme son nom l’indique c’est un tissu frais, créé par la maison Hardy Minnis. Il est pourtant 100% laine, d’un poids de 280g/m, et froisse peu. J’aime le fresco c’est certain, j’y ferais bien quelques pièces en plus (au moins un costume et un blazer…). Le pantalon est dans le même style que tous mes derniers pantalons, taille haute, ceinture décalée, poches américaines, revers de 5cm, double pince. Avec le temps j’affine mon style de pantalon parfait, et ils sont tous réalisés sur le même modèle. Majoritairement en demi-mesure chez mon ami Romain de la maison Ardentes Clipei. Ce pantalon c’est mon basique à moi, j’en aurais 12 ce ne serait pas gênant.

Pour la veste, les choses se corsent. Initialement j’envisageais de porter la veste de mon costume Ciardi, qui aurait été très bien. Mais comme c’était ma première veste en mesure (demi ou grande) elle est entièrement doublée et le tissu sans être chaud n’est pas particulièrement léger. J’étais convaincu de ce choix jusqu’à une dizaine de jours avant le mariage, lorsque les températures ont largement dépassé les limites acceptables par le corps humain. J’ai dû me rendre à l’évidence choisir cette veste, c’était risquer de souffrir toute la journée. Après réflexion, je lui ai préféré un autre blazer, provenant aussi de la maison Ardentes Clipei. C’est un blazer en lin à chevrons bleu clair, à revers larges et poches plaquées. Il est non doublé et totalement déstructuré, c’est-à-dire qu’il n’y a ni doublure, logique, ni entoilage, ni padding, comme toute veste déstructurée qui se respecte (et contrairement à beaucoup de vestes du commerce vendues comme telles), mais j’ai été encore plus loin ! Bien que beaucoup (tous ?) de tailleurs le déconseillent, j’ai demandé à ce qu’il n’y ait pas de doublure dans les manches non plus. Entendons-nous bien, si les tailleurs en mettent d’office, comme ils conseillent d’avoir un peu de doublure au moins aux épaules, c’est avant tout pour aider à la fluidité de la veste. Sans ces tissus internes, le tissu de la veste risque de frotter celui de ta chemise et ne pas glisser comme il faudrait. La matière soyeuse des doublures (en général de la viscose) va glisser sur la chemise et la veste tombera bien mieux. Fais donc attention lorsque tu demandes une veste non doublée. Alors bien sûr j’aurais préféré une veste bleu marine, mais celle-ci correspond plus au contexte champêtre, et aux températures (je n’imagine pas tomber la veste).

Pour les souliers, le cahier des charges bien qu’assez strict est finalement assez facile. Un richelieu marron à bout droit. Finalement ça représente une partie non négligeable de mes souliers (du classique cap toe au half-brogue…). Idéalement la forme doit être un carré atténué (si tu ne visualises pas, regarde la forme 348 de Crockett & Jones, voilà, c’est ça). Idéalement, dans le vestiaire de mes rêves, cette paire de souliers ce serait une paire de Gaziano & Girling St James II avec une jolie patine marron, assez légère, un peu dans le genre de ce qu’avait réalisé Samuel Norsworthy pour le championnat du monde de patine en 2019. Bon, trêve de bavardages, un autre point est important. Un mariage c’est long, il faut chaud, on est longtemps debout. Il me fallait donc une paire en laquelle j’ai toute confiance pour ce genre d’aventure. Soit mon richelieu half-brogue Tricker’s marron foncé, soit un modèle dessiné par le marié à l’occasion d’une commande groupée il y a quelques années. Les Tricker’s sont trop foncées, et la forme trop ronde. Va pour les secondes !

Le cas de la chemise est plus complexe. Il faut réussir à accorder couleur, motifs et tissus. Pour les tissus, il y a de quoi faire l’été, que ce soit le lin, le seersucker, le mélange coton-lin, le giro inglese (qu’on retrouve sur les liasses italiennes sous le nom de cellulare) …. J’élimine le blanc, ça ne me dit rien comme ça, trop simple peut-être (même si mon ami Gilles prétend que faire simple c’est bien), et le bleu ciel (trop business), reste les rayures. Cela tombe sous le sens si tu as lu mon article précédent, je dois porter ma chemise Daniel Levy. Elle a tout pour, le tissu, ce mélange coton lin exceptionnel, ses rayures bleues un peu larges pas trop formelles, son col cutaway et ses poignets tailleurs, bref, la chemise parfaite.

Le jour J: les derniers choix
Lorsque je voyage, j’emporte toujours plusieurs options de cravates et pochettes. J’aime à croire qu’il faut qu’il y ait quelque chose d’un peu improvisé sur le choix de ces pièces. Ce sont elles qui vont faire tout le sel de la tenue, qui vont orienter la lecture que les liseurs pourraient en avoir. Elles doivent aussi correspondre à mon humeur du jour, à mon avis du moment à tout et n’importe quoi. Je pars donc avec 3 cravates, une en lin marron de Patrizio Cappelli (une de mes préférées, si ce n’est la numéro 1), une en grenadine bordeaux à gros motifs turquoise de Stefano Cau et une cravate en soie jaune à petits motifs géométriques bleu marine de chez Calabrese.
Le jour J j’opterai pour cette dernière. Elle me semble plus correspondre au thème et j’ai envie de jaune, la première serait peut-être trop unie et la seconde trop stricte.
Je m’organise de même pour la pochette. J’en emporte 3. Une en coton blanche à pois bleus, une marron à motifs, et une bleue à petites fleurs blanches. J’opterai pour cette dernière, l’association marron et jaune bien que parfaite est trop prévisible, et j’utilise trop la blanche à pois pour les mariages.

Les accessoires
Tu pensais que c’était terminé ? Raté ! Il manque tout le reste voyons ! Tous ces petits détails qui cachent le Diable. Pour le coup ces derniers ont été de soi, tant certains choix sont faits automatiquement.
Pour les mi-bas, en lin bien sûr, ce sera une paire rouge de la maison Bresciani, qui remplace la version en fil d’Ecosse Gamarelli qui m’accompagne pour toutes les grandes occasions.
Pour la montre, c’est un peu la même chose. Ma fidèle Longines carrée des 70’s est parfaite. Discrète, originale (elle est carrée), élégante, je l’adore, c’est ma montre habillée (en fait j’en ai deux, celle-ci en acier, et une plaquée or, mais je préfère l’acier pour une tenue de jour). Ce n’est qu’en la mettant le jour du mariage que je me ferai la réflexion que c’est… Jonathan qui me l’a vendue ! Jolie coïncidence.
Pour être cohérents, les boutons de manchette ne doivent pas être en or. Je choisis donc une paire en argent ornée de lapis-lazulis de la maison Chatolufsen. J’aime cette paire, qui reste simple et sobre, tout en étant réalisée dans de beaux matériaux.
Je choisis ma paire de bretelles marron et turquoise. En particulier car les attaches sont en tissu, et que je n’ai pas de bretelles avec attaches en cuir marron, elles me simplifient grandement la vie (et j’adore ce bleu un peu pétant, même si personne ne le voit).

Qui dit été dit soleil qui tape fort. Les lunettes de soleil sont obligatoires. Je choisis ma fidèle paire Massimo Novelli, qui m’accompagne souvent et que je trouve particulièrement réussie. Oui, tu trouveras cela étrange, mais ce sont mes lunettes pour le mariage, j’étais aussi venu avec mes Persol 714 pour le reste du temps… Pour rester léger, les lunettes seront rangées dans un étui-pochette
Restent les petits derniers, mon Briquet Dupont vintage, plaqué or (note à moi-même, penser à trouver un briquet argenté pour rester cohérent), et un Pelikan M800 (j’ai toujours un stylo sur moi si possible).
Que retenir?
J’espère que la logique que je peux mettre derrière la construction d’une tenue t’aura intéressé. Lorsque c’est pour un évènement important/organisé, celle-ci doit à la fois être en cohérence avec l’événement, et avec tes goûts (et si vraiment les mariés ont l’idée saugrenue d’imposer une couleur loufoque à leur thème, n’hésite pas à prétendre que c’est la couleur de tes sous-vêtements, personne n’ira vérifier, ou bien trouve une cravate un peu complexe où on retrouve cette couleur, mais sur moins de 5% de la surface).

En ce qui concerne les tissus, le plus important c’est ton confort. Une journée qui commence à 16h et se termine avec des danses endiablées à 5, 6, 8h du matin ! Choisis les respirants (ça exclut d’office le coton, que tu devrais forcément de toute façon exclure quoiqu’il arrive), privilégie les laines froides, ou le lin. Si tu n’aimes pas le lin 100% qui froisse beaucoup et dont la texture est peu habillée choisis un mélange lin et soie (exceptionnellement élégant), ou les désormais classiques laine/lin/soie. Pour ces deux mélanges, privilégie les vestes, je suis moins serein de leur durabilité pour un pantalon. Et surtout, ne néglige pas trop longtemps ta garde-robe estivale ! Personnellement je trouve qu’il y manque au moins un costume (j’imagine un croisé en seersucker bleu Loro Piana) et un blazer (en fresco).