Malfroid, Chausseur parisien

Je fais mal mes devoirs. Il faut bien admettre qu’en tant que pseudo-blogueur de la chose sartoriale, je devrais m’intéresser à chaque nouvelle maison qui se crée, être à l’affût des nouveaux acteurs qui viennent révolutionner le marché. Oui, mais non. D’une part parce que je suis relativement feignant, d’autre part parce que pour peu que la marque me plaise, je dois trouver du budget pour tester. Or, n’étant pas financé par un généreux mécène, les choses prennent leur temps. Tout ça pour dire quoi ? Il faut bien l’admettre, quand j’ai commencé à voir des posts Instagram sur Malfroid je n’ai pas prêté autant d’attention qu’il aurait fallu. L’erreur… Parce que finalement, des nouvelles maisons pour lesquelles j’ai eu un vrai coup de cœur ces dernières années, il n’y en a pas eu tant que ça (je suis à la fois difficile et snob, ça n’aide pas). Alors quand Victor, le co-fondateur de Malfroid m’a contacté, vu que nous avions une bonne connaissance en commun, pour me présenter sa marque, il m’a bien fallu admettre, qu’il y a quand même des univers sympathiques à découvrir. Mais reprenons les choses depuis le début.

Malfroid c’est qui, c’est quoi ?

Tu t’en doutes, Malfroid est un chausseur, une marque créée fin 2018 par Victor Bastié et Thomas de Bascher. L’idée est de proposer un soulier beau et bien fait à un tarif bien positionné. Evidemment, présenté comme ça, tu te dis, c’est le même topo qu’une palanquée de marques lancées depuis une dizaine d’années, alors qu’est-ce qui change ? Qu’est-ce qui fait qu’une large majorité sombrera dans l’oubli aussi vite qu’elles sont arrivées, alors que d’autres, offrent un renouveau bienvenu à un secteur, où l’innovation n’est ni facile, ni forcément ce que le client attend.

Commençons donc par le commencement, le produit est bon. Le soulier est réalisé dans les règles de l’art au Portugal par un atelier qui n’a plus rien à prouver. Il faut dire que Victor est du métier, et qu’il a eu l’occasion d’observer les habitudes du consommateur parisien et de comprendre la philosophie d’icelui. Pour parler un peu technique, tous les souliers sont réalisés avec des peausseries des grandes tanneries du secteur, le montage est un montage Goodyear, laissé apparent (c’est-à-dire qu’il n’y a pas de lèvre en cuir qu’on vient recoller au-dessus de la gorge où se trouve la couture), ce qui n’est absolument pas dérangeant, d’une part parce que la semelle cuir n’est pas forcément l’icône de la maison (j’y reviens plus bas), d’autre part parce que n’étant pas patineur, je suis un fervent partisan de la pose de patins (et de fers évidemment). Un cahier des charges, simple, fiable, parfaitement exécuté, tout ce qu’on attend d’une bonne chaussure à 285€. Et c’est tout ? Non, bien sûr… laisse-moi te raconter pourquoi j’aime Malfroid, la marque autant que le soulier.

Une marque et son univers

J’aime les marques, les belles marques. Celles qui ont une identité forte, de la personnalité. Celles, où il suffit de prononcer leur nom pour avoir directement en tête quelques images claires de ce qu’elles représentent. Je ne m’imagine même pas acheter un produit tout aussi parfait soit-il si son univers me parait fade, inexistant, daté. Hors Malfroid a eu cet avantage immense de commencer par une boutique physique, et donc très rapidement de créer un vrai univers, avec une identité visuelle, des objets qui racontent d’autres histoires de passionnés. Si la boutique est très élégante, très sobre (mais pas froide, contrairement à pléthore de « maisons de luxe »), et contraste joliment avec ce que tu pourras y trouver, si tu aimes l’horlogerie, le vélo, la moto, tu es à la bonne place, ces sujets apparaissent par petites touches pour donner un côté vivant, sport à la marque, mais tout en sachant s’effacer pour ne pas trop nous détourner du propos principal : la chaussure. C’est peut-être ce qui m’a le plus séduit, moi qui ne fréquente que peu de boutiques, quitte à y passer du temps j’aime m’y sentir bien.

Une collection complète, cohérente et inattendue

Concevoir une collection de souliers classique sans être trop ennuyeuse c’est un défi, d’autant plus risqué que la mode n’est plus à la chaussure en cuir depuis quelques années déjà. Malgré cela, avant de commencer à proposer des modèles avec une personnalité plus affirmée, une collection se doit de proposer les grands classiques du garde-chaussures masculin. C’est une chose que j’ai remarquée et qui m’a toujours fasciné, pour la chaussure de manière bien plus régulière que pour le textile, les gens entrent parce qu’on a communiqué sur un modèle qui sort de l’ordinaire, alors même qu’ils ressortiront avec un richelieu noir (ou marron, lorsqu’ils se sentent pousser des ailes). La première partie de la collection Malfroid a donc proposé les grands indispensables, même si déjà on trouvait ce petit quelque chose de décalé. Je pense par exemple à ce modèle simple boucle, que j’ai vu très tôt, alors même que la mode est plus aux doubles, et que je trouve d’une élégance folle. One ne sait pas trop si c’est un opéra pump qui a voulu se casualiser en troquant son nœud contre une lanière de cuir, ou une bottine jodphur qui souhaitait devenir chaussure basse, toujours est-il que c’est à la fois original tout en n’étant pas trop dur à assumer.

Ce simple boucle m’intrigue beaucoup, une interprétation intéressante d’un grand classique

L’identité de la marque va aussi très vite s’affirmer, avec des modèles moins habillés, plus « modernes », décontractés mais toujours bien faits. On trouve beaucoup de semelles gomme, voire commando dans la collection, et du cuir gras, de quoi affronter autant les rudes pavés de la rue, qu’une balade en forêt ou un trajet à moto. Comment ne pas mentionner le derby defender dans un cuir couleur sauge et avec une semelle commando. C’est un modèle qui a marqué à sa sortie, il faut dire qu’il y a de quoi, il est assez étonnant (imagine, déjà c’est un derby qui n’est pas un brogue, mais qui reste « sport ») et il tranchait avec ce que la marque avait fait avant. Il sonnait la fin de la récré, et annonçait le début des choses sérieuses, et des paires plus personnelles.

Une proposition de chaussure « campagne » qui change du classique bregue grainé

A côté de cette collection bien conçue, il faut mentionner un autre point. La marque dispose d’un parc de plusieurs formes à monter, ce qui permet de donner différents styles d’une part, mais aussi de chausser différentes formes de pied. C’est quelque chose qui compte beaucoup pour moi dont le pied est une catastrophe à chausser (alors que je fais du 42). En plus de proposer différents chaussants, la marque propose pour son richelieu à bout droit rapporté (la paire que tout le monde devrait avoir), la version noire et la version marron foncé sur deux formes différentes, ainsi qu’une version supplémentaire pour chacune des formes. Ça ne te semble peut-être rien mais il faut bien comprendre que cela implique à chaque fois de stocker plus de paires, ce qui a un coût.

Avoir le choix d’un même modèle dans deux formes différentes, un luxe pour le client

Pour finir avec les chaussures, la plupart des modèles sont aussi disponibles en cuir crust (c’est-à-dire non teint), et chacune des deux boutiques de la marque dispose d’un espace patine pour laisser libre cours à ta créativité. Le charme de ces espaces patine réside, qu’ils donnent sur la rue et permettent en passant devant la vitrine de voir le travail en cours. Cette initiative de mettre en avant le travail réalisé plutôt que de le cacher dans une arrière-boutique m’a particulièrement plu, elle permet aux gens qui ne connaissent pas de découvrir l’étendue des possibles.

Mettre le savoir-faire en avant, ce n’est pas que dans les restaurants « In »

Enfin, tu trouveras quelques accessoires, tous Made in France, de l’indispensable ceinture à assortir à ta paire (disponible à patiner également), jusqu’au couteau Laguiole réalisé artisanalement dans l’Aveyron.

Mon expérience personnelle

Je possède deux paires de Malfroid. La première depuis presque trois ans et la seconde depuis un an et demi. Étonnamment ce sont deux paires de mocassins.  Il y a trois raisons à cela. La première c’est que je ne suis pas un inconditionnel du mocassin, et que j’ai donc attendu d’avoir bien fait le tour des richelieus et autres bottines avant de commencer à en avoir envie. La seconde c’est que comme je le mentionnais plus haut, mon pied est compliqué à chausser, c’est d’autant plus vrai avec un mocassin où l’absence de laçage rend tout plus compliqué, et la déchausse probable. Enfin c’est une chaussure qui est pour moi synonyme d’été, de veau-velours, de moins de formalisme (je n’irais pas jusqu’à parler de casual n’abusons pas). Or c’est bien connu nous faisons tous l’erreur de trop privilégier le vestiaire d’hiver ou « 3 saisons ».

La première de ces deux paires est venue totalement par hasard. Nous discutions avec Victor et il me parle d’un mocassin qu’il est en train de développer, à mi-chemin entre le mocassin et la chaussure bateau, en remplaçant la bride (ou les pampilles) par un simple lacet. Le tout dans un veau-velours bleu pas trop foncé, et avec une forme pas trop affinée. Et là c’est le coup de foudre ! Les vacances s’annoncent, l’Italie, le soleil, c’est la paire parfaite pour un apéritif au bord de la piscine (ou sur un yacht, il ne s’appelle pas Yachtmaster pour rien) ! Il me les faut. Comble du comble, la forme me chausse très bien, et rien que ça….

Un mocassin original un peu décontracté, le seul que je m’autorise sans chaussettes, avec un magnifique pantalon en lin

Un an plus tard environ je vais au Pitti, et logiquement je me dis que quand même, ne pas avoir de mocassin à pampilles, c’est dommage…. J’ai bien un penny loafer mais dans une forme très habillée, et un veau-velours presque « gold ». J’ai envie de quelque chose de plus passe partout, à la limite du trop conventionnel, parce que ça m’amuse. Je profite donc d’une petite promotion lors des soldes d’été pour me procurer une paire de mocassins à pampilles en veau-velours marron, la forme est pile comme il faut, ni pataude, ni « dandy », une paire facile, pour aller chercher le pain ou passer chez des amis chez qui il faut se déchausser, mais dont les pampilles affoleront la plupart des gens (oui, je pourrais dire glands, mais quel dommage de se passer du charme suranné des pampilles). Qu’en dire ? J’en suis ravi ! Ces souliers me vont bien. Très bien même, et je peux te dire que c’est un soulagement d’avoir pu trouver une forme qui me permette de porter facilement des mocassins. Les deux paires vieillissent très bien, les cuirs sont d’excellente qualité, et il n’y a rien à dire sur la fabrication, c’est tout bon, elles font partie de mes indispensables de l’été.

Plus classique, le mocassin veau-velours est un soulier simple à porter, les pampilles amènent un côté un peu « old school »

Les derniers mots

Bon, je pense que tu l’auras compris, j’ai eu un vrai coup de cœur pour Malfroid. A une époque où il se crée une marque insipide pour homme tous les quatre matins, proposer un concept qui a une âme, c’est un vrai défi. Mais être en plus en mesure d’amener autant de personnalité tout en proposant des produits s’adressant à une clientèle extrêmement variée pouvant rechercher tout autant un one-cut noir qu’un penny loafer à semelle commando, c’est un exploit. Je pourrais revenir sur plein d’autres détails pour te convaincre que c’est une marque à considérer, mais je suis persuadé qu’il y a plus simple, si tu en as l’occasion, passe en boutique, et vois par toi-même, c’est encore ce qu’il y a de mieux !

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