Nous voici dans le premier article d’une série qui va me permettre de réfléchir encore et toujours aux essentiels. Avec le temps on accumule, on teste, certaines pièces deviennent nos incontournables (on les achète même plusieurs fois), et d’autres prennent un peu plus la poussière… Mais que ferais-je si je devais tout reprendre à zéro ? On se dit que c’est simple il y a ça, et puis ça ah et ça aussi… Se limiter à quelques pièces, ça demande de choisir, et choisir c’est renoncer. Et je déteste renoncer…
Pour ce premier article, on va parler souliers. Pourquoi commencer par-là ? Certainement parce qu’ils sont souvent déconsidérés par les passionnés, alors même qu’ils sont la base de tout. Les chaussures, ce sont les fondations de notre tenue. Littéralement, elles ne la finissent pas, elles la commencent. Un costume exceptionnel avec une paire de chaussures à la forme pataude, ça casse tout. Je ne le répèterai donc jamais assez : ne néglige pas les souliers !
Ma stratégie
Je ne conseillerai pas dans ces articles de marques ou de budget, l’idée étant qu’on puisse retrouver les pièces que je conseille dans toutes les tranches tarifaires. Par ailleurs, comme tu as pu le lire dans le premier article de cette série, je vais partir sur 7 paires de souliers. Ça peut paraitre beaucoup, c’est vrai. Mais dans un vestiaire « terminé » ça ne me semble pas absurde (je te rappelle que tu n’as pas à tout acheter d’un coup). Je considère que pour avoir un vestiaire équilibré et durable, on devrait posséder autant de paires de chaussures que de vestes (et 2 pantalons par veste mais j’y reviendrai). Partant du principe qu’un bon fonds de roulement, c’est un costume par jour du lundi au vendredi et 2 vestes dépareillées pour le weekend (oui ça peut paraître caricatural, j’y reviendrai dans le prochain article), il faudra donc 7 paires.
D’un point de vue pratique, il ne faut pas oublier que :
-plus le patronage est épuré, plus la paire est formelle.
-plus la forme est racée plus la présence de la chaussure sera importante dans la tenue.
-dans le budget, il faut penser à ajouter les embauchoirs et la pose de patins et fers (les fers sont obligatoires, et les patins vivement recommandés)
-une chaussure ça s’entretient, tu peux le faire toi-même, alors équipe toi un minimum pour qu’elles durent le plus possible

N°1 : un richelieu half-brogue marron
C’est, à mon avis, la paire de base. La couleur marron en fait un soulier à tout faire, et le patronage demi-brogue est assez chargé pour ne pas paraitre trop formel tout en n’étant pas aussi complexe que le full-brogue. Par ailleurs, je trouve que le bout droit s’adapte plus facilement aux différentes formes. C’est un grand basique qu’on retrouve chez toutes les marques, tu n’auras donc pas de mal à en trouver un. Ce sont les souliers que je porte le plus c’est certain, à la fois en costume et en dépareillé. Attention toutefois, je les déconseille dans des tenues trop habillées. Ce n’est pas forcément le modèle idéal avec un costume bleu nuit (sauf à avoir un marron vraiment très foncé)
N°2 : un richelieu Adelaïde bourgogne (enfin bordeaux)
Avec ce patronage légèrement plus épuré que le half-brogue, ce soulier est logiquement un peu plus habillé. Best-seller de la marque Gaziano & Girling dont le Saint-James II est probablement la plus belle paire de souliers de prêt-à-chausser qui soit, il s’intègre totalement dans un vestiaire sartorial. En marron ou en bordeaux, c’est un indispensable. Je te propose ici de le choisir en bordeaux, ou sang de bœuf, ça donnera un peu de diversité à ta collection. J’aime les porter avec un costume bleu sombre, mais il s’adapte aussi très bien à un costume gris pour faire une tenue business parfaite.
N°3 : Un richelieu cap toe noir
Le richelieu noir n’est pas, pour moi, la priorité d’une collection. Il n’en reste pas moins que c’est la couleur formelle par excellence, alors autant l’associer au patronage le plus classique qui soit. Le richelieu bout droit c’est la base de tout. Avec un bon glaçage on atteint les sommets de l’élégance. On n’a jamais assez de richelieus cap toe. La couleur noire étant celle du formalisme par excellence, je la réserve aux paires les plus habillées, donc sans brogueing. Une option très élégante aussi serait un austerity brogue, moins usuelle, on reconnaîtra là le choix d’un connaisseur.

N°4 : Un richelieu Balmoral
Maintenant qu’on a ajouté à ton vestiaire les grands indispensables, on peut se consacrer à des pièces plus particulières. Il y a deux patronages qui retiennent mon attention, le richelieu à découpe Balmoral, qui a participé à la renommée de Yohei Fukuda, qui peut être option intéressante pour se lancer dans un bi-matière, ou bien un richelieu quart de brogue, comme le magnifique Phillipp II de Lobb. Pour la couleur, après le marron, le bordeaux et le noir, ça pourrait être l’occasion d’une belle patine, pourquoi pas du vert, du prune, du bleu marine ou pour les moins téméraires, un beau cognac avec quelques reflets. Personnellement je choisirais le Balmoral, en bi-matière, une foule d’options s’offrent à toi.
N° 5 : un double boucle
La paire que j’ai le plus portée depuis 12 ans, la seule que j’ai eu besoin de ressemeler c’est celle-ci, un derby double marron en veau-velours marron et semelle gomme. La paire de chaussures basses tout terrain par excellence. Tu peux aussi l’envisager en cuir grainé. Pour moi c’est le modèle idéal pour un dépareillé ou un costume assez décontracté. J’imagine typiquement ce genre de chaussures lorsque je vois cette célèbre photo de Gianni Agnelli en costume en flanelle grise et cravate en tricot de laine beige. Du confort, de la simplicité, tout y est…
N°6 : une bottine derby en cuir grainé
C’est peut-être la chaussure la plus vue ces derniers automnes. Un modèle en particulier est la star incontestée, la Coniston de chez Crockett & Jones est un classique depuis 25 ans. L’idée ? Une bottine derby, mais avec un patronage plutôt épuré, sans brogueing, le tout dans un cuir grainé pas trop foncé. Malfroid propose aussi un modèle similaire avec une forme légèrement moins « campagne anglaise », plus citadine dirons-nous. Une seconde option serait un patronage full brigue, plus chargé, mais dans un cuir marron foncé afin que le patronage se voie moins. Pour ces deux modèles, je me fournis chez Paul Sargent qui fait mon bonheur.
N°7 : un mocassin en veau-velours
On n’en peut plus de mocassins, non ? On en voit partout, tout le temps, souvent très patauds, on hésite entre soulier et sabot. J’ai mis beaucoup de temps à les apprécier, et encore plus à en trouver qui m’aillent. L’absence de laçage impose une chaussant parfait pour éviter de déchausser. Dans mon esprit, j’aime le mocassin dans une version plutôt décontractée, une forme légèrement arrondie, mais pas trop (on ne veut pas de patauderie), et un beau veau-velours couleur noisette. La paire parfaite pour une balade dominicale ou un voyage estival en Toscane.
Voilà la liste de mes indispensables. Évidemment plein d’options peuvent être envisagées, je vois déjà tellement de manques dans cette liste. Pas de richelieu full brogue, pas de souliers verts (tragédie !), mais il fallait bien choisir. La seule chose qui je peux garantir, c’est que tu as là de quoi t’habiller tous les jours pendant de longues années. Et toi, quels seraient tes souliers indispensables ?