Demi, petite, grande : la mesure dans tous ses états

Le sur-mesure, le saint-graal de tout passionné de vêtement. Un vêtement réalisé de A à Z à partir des envies du client. Le rêve absolu. Et pourtant, ce rêve semble devenir un cauchemar pour le client moderne qui est noyé sous le nombre d’appellations utilisées pour vendre ces vêtements. Nous y sommes tous passés, ce moment gênant où il faut expliquer à notre entourage les raisons qui font qu’on peut passer de 600 à 6 000€ entre deux boutiques vendant pourtant toutes les deux du « sur -mesure ». Heureusement, tu auras certainement constaté qu’après la déferlante de boutiques proposant tout et n’importe quoi, le marché semble s’être un peu calmé, et il tourne autour de trois concepts, la grande mesure, la demi-mesure et la petite mesure. Comme je n’ai aucun doute sur le fait que tu liras mes prochains articles, je me suis dit qu’il serait utile de faire un petit tour d’horizon de ce qui se trouve derrière ces jolies appellations.

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Ne nous méprenons pas, bien que mon ego en approuve totalement l’idée, je ne pense pas avoir énormément de choses à ajouter à un débat bien avancé mais… il se trouve que certains termes n’ont pas de définition officielle. Il me semble donc utile de spécifier ce que moi je mets derrière.

La Grande Mesure

Au commencement était… le tailleur. Si on remonte assez loin en arrière (pas tant que ça non plus), le prêt-à-porter n’existait pas. Les hommes ayant les moyens se faisaient couper leurs habits chez un artisan spécialisé : le tailleur donc. Et son travail consiste (encore aujourd’hui) à réaliser des vêtements à partir de rien. Il est donc capable d’analyser le physique d’un client, pour prévoir certains défauts qui pourraient apparaître, de prendre les mesures, de réaliser un patron à partir de ces informations, de couper les différents éléments en conséquence (tissu, toile, doublure…), d’assembler le tout, à la main, en plusieurs étapes marquées par des essayages sur le client lui permettant de corriger son travail. C’est la discipline reine. Il faut des années pour être considéré comme un tailleur à part entière. Mais en plus du côté purement technique, cela demande un certain sens de la communication, car il faut accompagner le client, qui ne sait pas forcément ce qu’il cherche et ce qui lui va. En anglais, on parle de bespoke, qui vient du verbe « bespeak », qui signifie parler de quelque chose. D’abord on discute du projet, et ensuite on agit.

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En grande mesure, tout est réalisé à la main. le vêtement est littéralement sculpté sur le corps du client. Le tailleur va se servir de son expérience, de fil, d’aiguilles, d’un fer à repasser et d’eau pour donner au tissu sa forme finale

C’est le rêve de tout amateur, une expérience unique. Mais ça a un coût relativement élevé. D’autant qu’avec l’arrivée du prêt-à-porter, une immense majorité des tailleurs ont disparu. Mais c’est le seul moyen d’avoir un vêtement totalement personnel, unique et coupé de la meilleure façon possible.

On peut donc résumer le cahier des charges à :

– un patron réalisé pour le client en ne partant d’aucune base préétablie

– 2 à 3 essayages intermédiaires pour vérifier la coupe

– une réalisation artisanale, sur site (au moins en grande partie) « entièrement » faite main (on parle d’entièrement fait main même s’il est possible, voir probable que quelques coutures soient quand même faites machine, ne vas pas les vérifier une à une)

– une attente de plusieurs mois en général

– prix de départ à Paris : 4000 €

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Exemple d’un premier essayage chez Eduardo De Simone…

 

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Suivi quelques semianes plus tard d’un second. On remarque que les revers sont ici finis.

La demi-mesure

Après quelques décennies de règne sans partage du prêt-à-porter et des grandes marques de mode, et des tailleurs relégués à un commerce pour vieux riches, les années 2000 ont vu apparaître une nouvelle offre sur le marché. Son but ? Proposer un vêtement que le client peut personnaliser et faire faire à ses mesures, tout en ayant un prix limité. Mais comment peut-on arriver à un tel équilibre ? En réunissant les deux mondes, celui du tailleur et celui du prêt-à-porter.

Il faut partir d’un constat ? pragmatique. Même si nous avons tous un physique unique, une grande majorité peut être habillée avec un prêt-à-porter retouché. Mais ce n’est pas toujours idéal. Et puis on va tous acheter la même chose, car logiquement, les boutiques vont stocker ce qui se vend, donc des pièces assez passe-partout.  D’un autre côté qu’est-ce qui est reproché au costume grande mesure ? Son prix, et l’attente. Or ce sont deux problèmes qui ont été résolus avec les usines fabriquant du prêt-à-porter. Il suffit donc d’adapter ces outils de production pour faire de la commande unique. Et la demi-mesure est née.

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La plupart du temps, une commande en demi mesure s’accompagne d’un essayage de pièces d’essai (ou de prêt-à-porter s’il vient du même atelier)

Comme ça marche ? Afin de simplifier le processus et de ne pas avoir besoin d’un maître tailleur pour gérer une boutique, on va remplacer la création d’un patron ex nihilo (j’aurais pu dire from scratch, mais le brexit pourrait taxer les expressions anglophones, sait-on jamais…) par des costumes de test (souvent des patrons de prêt-à-porter). Ainsi lorsque le client est en boutique, il passe ce costume, et il « suffit » (ce n’est pas si simple, soyons clairs), de noter toutes les modifications à y apporter. A noter que c’est aussi intéressant pour les clients peu habitués à passer commande qui peuvent directement dire ce qui leur plait ou pas, ce qui est plus concret qu’en grande mesure. Ceci fait, et le client ayant choisi son tissu et ses options (en général plus limitées qu’en grande mesure où on peut presque tout demander, alors qu’il faut ici composer avec les modèles développés par l’usine de production), la fabrication du costume n’est pas réalisée sur place, mais dans une chaîne de confection industrielle, on réduit les coûts, et les délais (le rêve de tout chef de projet) en faisant moins intervenir l’humain et plus la machine (commandée par un humain bien sûr). Il faut en général compter 6 semaines pour que le costume soit réalisé et livré fini au client (ensuite pourront éventuellement venir quelques dernières retouches).

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Quelques semaines après la prise de mesure, le costume arrive terminé. Bien sûr des dernières retouches pourront être effectuées sur place si nécessaire

Pour résumer, la demi-mesure c’est :

-un patron préétabli modifié avant la réalisation

-pas d’essayage intermédiaire

-une production du vêtement sous-traitée à une usine/atelier plus grand

-une attente courte en moyenne 6 semaines

-Prix de départ : 600€

La petite mesure

Et là ça se corse. Et c’est en particulier pour la petite mesure que j’écris cet article. Et pour les idées abracadabrantesques que je peux lire sur sa définition (en tout cas pour moi, tu as le droit de ne pas être d’accord). Jusqu’ici c’était simple, si j’ai le temps et l’argent, je fais de la grande mesure, et je suis en droit d’attendre ce qui se fait de mieux en termes de coupe. S’il me manque l’un ou l’autre (ou même les deux, il m’arrive souvent d’être non seulement désargenté mais en plus pressé), je fais de la demi-mesure. Le vêtement sera bien adapté à ma morphologie même si je suis conscient qu’il y a mieux (pour 8x plus cher et 6 fois plus long).

Alors pourquoi rajouter un troisième terme ? Pourquoi se compliquer la vie ?

J’ai souvent lu que la petite mesure c’était de la demi avec plus de passages main. Mais pourquoi ?? Si ces termes doivent définir une progression dans la coupe, quel est le rapport avec des coutures réalisées à la main ? Alors oui, on me répondra que certaines coutures, si réalisées à la main, seront plus souples, se comporteront mieux une fois le vêtement porté… Sérieusement ? Soyons réalistes, pourquoi nous vend-on du fait-main ? Majoritairement parce que l’atelier qui réalise le produit n’a pas les moyens pour acheter les machines nécessaires. S’ils avaient pu se le permettre, pléthore d’ateliers se seraient équipés et industrialisés. A côté de ça, c’est un argument marketing génial, qui fait vendre. Mais pour ce qui est de l’adaptation du vêtement à ta morphologie, ce n’est pas trop ça. Passer d’une construction thermocollée à semi-entoilée puis entoilée changera le tombé de la veste et permettra plus de respirabilité, mais c’est réalisable en demi-mesure (pire, en prêt-à-porter, d’ailleurs on fait aussi du prêt-à-porter entièrement réalisé à la main, ce n’est pas de la petite mesure pour autant !).

En revanche, on pourrait vouloir jouer sur ce qui a changé entre la grande et la demi-mesure. Le plus évident ce sont les essayages, au lieu de passer de 3 à 0, on peut proposer un essayage intermédiaire qui va permettre de s’assurer que les modifications demandées conviennent et de s’assurer que le client ne regrette pas certains choix. Pour un coût plutôt modéré (en général 100-150€ de plus sur une offre de demi-mesure industrielle), on peut éviter pas mal de pépins. Mais on pourrait aussi proposer la réalisation d’un patron ex nihilo. En particulier si le commerce qui vend est celui d’un tailleur dont les compétences amèneront un vrai plus ! C’est plus rare mais possible. On continue de sous-traiter la réalisation (mais pourquoi pas en effectuant certaines finitions sur place) Et comme il n’y a pas de définition officielle chacun est libre de créer son offre en fonction de son positionnement.

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Unique essayage d’une veste en petite mesure. On remarque que le col n’est pas monté, les boutonnières pas faites (le bouton fermant baissera de plusieurs centimètres) et les manches tiennent grâce à des fils de bâti.

Je récapitule :

– patron préétabli, ou pas

– essayage intermédiaire fréquent (mais moins qu’en grande mesure, en général juste un)

– réalisation plus ou moins artisanale mais toujours sous-traitée en grande partie

– attente un peu plus longue que la demi-mesure

– prix de départ : 900€ en industriel, 1500-1800€ si plus artisanal.

Le fait-main quand même

Même s’il n’entre pas, pour moi, dans ma définition de ce qu’est une petite mesure, je ne suis pas totalement aveugle. Effectivement, la plupart des offres de petite mesure auront des passages main. Comme je l’ai dit précédemment, cela va dépendre des machines dont dispose ou pas l’atelier avec lequel travaille le commerçant chez qui tu iras, mais logiquement, cela dépend aussi de la fourchette tarifaire sur laquelle le commerçant a décidé de se positionner. Et là cela dépend de la stratégie mise en place. D’un côté on peut vouloir rester dans la philosophie d’un produit accessible en proposant juste une étape de validation, de l’autre on peut vouloir un produit résolument haut-de-gamme, tout en restant loin de la grande mesure pour ce qui est des tarifs. Les deux stratégies sont valables, c’est un choix à faire, reste au client à trouver la meilleure offre en fonction de son budget.

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Certains ateliers peuvent proposer plus ou moins de passages main. Cela va dépendre de leur histoire et de comment ils en sont arrivé à leur offre de « sur-mesure »

Au travail Sherlock

Que ce soit en demi, petite ou grande mesure, trouver la maison qui nous convient est un vrai projet. Le sur-mesure c’est, pour moi, avant tout une expérience, une relation qui se crée entre un professionnel (tailleur, vendeur ou autre) et un client. Et le plus important c’est ça. Chercher jusqu’à trouver le bon. Celui qui comprendra tes goûts, saura t’orienter, magnifiera ta silhouette… Négliger cette relation pour économiser quelques dizaines d’Euros ou avoir quelques points à la main en plus est à mon avis une stratégie perdante. La perte d’argent et de temps sera énorme, sans compter le stress engendré. Il n’y a rien de plus agréable que d’avoir un tailleur chez qui tu peux discuter tranquillement autour d’un bon spiritueux, mais tout en ayant assez confiance pour faire une commande en dix minutes si tu es vraiment pressé.

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Le sur-mesure c’est avant tout un voyage, une expérience. et quelle expérience que d’avoir un essayage supervisé par le grand maestro Renato Ciardi en personne!
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Deuxième essayage pour ce costume réalisé par la sartoria Ciardi. On voit bien les fils qui servent à la construction du vêtement.
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Un autre deuxième essayage chez Eduardo De Simone. On peut ici aussi apercevoir les fils et le col qui n’est pas monté

La cravate est morte! Vive la cravate!

C’est au cours de la dernière édition du Pitti que j’ai lu ce postulat assez étonnant, la cravate serait devenue obsolète, selon cet article, elle serait « morte ». Pour un quotidien du pays de la cravate, c’est assez violent comme affirmation, d’autant qu’elle ne reflète pas forcément toute la vérité. Evidemment, en tant que grand passionné de cet accessoire de col, il ne m’en fallait pas plus pour avoir envie de développer le sujet.

Lire la suite de « La cravate est morte! Vive la cravate! »

Myrqvist: des souliers abordables venant de Suède

Bien que le Web aie permis de globaliser les ventes de produits, il en est certains pour lesquels c’est plus difficile que d’autres. La chaussure en est un parfait exemple. C’est un vêtement à tailles, sans l’essayer difficile de se lancer. Et contrairement à une veste qu’on pourrait retoucher, il est beaucoup plus difficile de modifier le chaussant d’un soulier. C’est certainement pour cela que les marques de chaussures restent encore assez limitées dans leur conquête de nouveaux marchés. Et c’est également pour cela que la marque que je te présente aujourd’hui n’est pas très connue sur les médias français.

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Designées en Suède et produits au Portugal, les chaussures Myrqvist sont 100% européennes

Myrqvist, un produit traditionnel avec une présentation moderne.

Comme souvent, je me suis intéressé à Myrqvist parce que j’ai rencontré ses fondateurs. J’ai rencontré Sebastian Öhrn et Olle Ringstedt les deux co-fondateurs de la marque lors du Super trunk Show 2018 à Londres. Eux sont Suédois, et leur aventure a débuté en 2016 en réalisant rien de moins qu’un petit exploit en lançant une marque de chaussures cousues Goodyear d’entrée de gamme. La campagne de crowndfunding est un succès et le financement attendu (environ 10 000 €) est atteint en une semaine, et à la fin du mois c’est 70 000 € qui ont été récoltés, ce qui en fait (à l’époque en tout cas) la campagne Kickstarter la plus élevée pour un projet dans le domaine de la mode en Suède. Oui oui, rien que ça, alors qu’on parle d’un produit plutôt difficile à vendre, chapeau !

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Olle et Sebastian, les deux fondateurs de la marque, dans leur showroom

Leur idée était de pouvoir proposer sur le marché suédois un soulier en cuir, cousu Goodyear à un prix abordable. La gamme dessinée en Suède est un classique du genre, les patronages et les formes sont classiques, on y retrouve tous les modèles qu’un gentleman peut rechercher. Alors bien sûr, les esprits chagrins pourraient râler sur un manque d’originalité de la gamme, mais après tout, c’est ce qui se vend. Leurs produits étant destinés au marché suédois, la majorité des modèles sont proposés soit avec une semelle entièrement cuir, soit avec un patin afin d’être adaptés au climat suédois, plus rude que le nôtre.

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La patin déjà posé, important pour le climat suédois, c’est aussi un coût en moins pour le client

Contrairement à ce que l’on peut entendre sur certaines marques, qui choisiraient de passer d’un made in Europe vers d’autres continents, en général pour réduire les coûts au prix d’une baisse de qualité, le parcours de la marque a été inverse. A sa création, les chaussures étaient fabriquées au Vietnam, puis en Inde, mais afin de satisfaire une recherche d’une meilleure qualité, la production a été finalement confiée à un atelier portugais.

Une visite sur le stand de la marque lors du Trunk Show m’a permis de découvrir les modèles et une ligne de produits qui dans l’ensemble me semblait tout à fait cohérente. Alors bien sûr, ne rêve pas. Une paire de myrqvist coûte environ 210 €, à ce prix là il faut faire des concessions. La qualité du cuir sera forcément en retrait par rapport à celui de paires à un tarif plus élevé, c’est avant tout là-dessus que des économies peuvent être faites. Malgré cela les cuirs viennent de tanneries françaises (ce qui veut tout et rien dire, mais c’est plutôt prometteur).

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La marque propose les grands classiques du vestiaire masculin de quoi se créer un fond de roulement à prix raisonnable

Alors pourquoi s’intéresser à une paire si pour quelques dizaines d’Euros de plus il y aurait mieux ? La bonne question…. Et bien parce que l’offre me semble répondre à un marché qui ne me semble pas si développé que ça. Lorsque j’ai commencé à m’intéresser au beau soulier, il y a presque 8 ans, il était possible de trouver autour de 150 € des chaussures d’une qualité correcte. Avec le temps, les prix ont augmenté (il faut bien faire des marges à un certain moment, et le prix du cuir explose). Trouver un soulier cousu réalisé en Europe, avec un cuir lui aussi européen, et un design qui correspond à mon idée d’une belle paire de chaussures est devenu plus compliqué. Dans le même temps, le soulier d’entrée de gamme pose un souci. Lorsque quelqu’un me demande conseil, lui proposer des marques reste possible, mais dès qu’on aborde le sujet du bon entretien, ça se gâte. Il faut rajouter une paire d’embauchoirs, la pose d’un patin et de fers, sans compter les crèmes et cirages (bon, là c’est différent, on n’en rachète pas à chaque paire). Et le budget explose, parce que là où ces coûts représentent une part limitée du prix de la paire, le ratio devient bien plus important pour une paire à bas prix. J’ai donc trouvé l’idée de Myrsqvist de pouvoir, pour celui qui le désire, limiter le coût avec un patin déjà intégré.  Bref tout un tas de petites raisons qui m’ont fait considérer la marque comme une alternative plus qu’intéressante pour ceux à la recherche d’un produit d’entrée de gamme sans pour autant faire trop de concessions. Raison pour laquelle j’ai eu envie de tester une paire.

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Le Portugal est devenu au fil des années une référence lorsqu’on parle de soulier bien réalisé avec un rapport qualité prix compétitif

Retour d’expérience, un an avec une paire de Myrqvist

Quelques semaines après le Super Trunk Show j’ai donc réceptionné ma nouvelle paire de chaussures. Pas de surprise par rapport à ce que j’avais vu à Londres, le produit répond à son cahier des charges. Je note un cuir qui me semble prompt à plisser, mais cela ne m’étonne guère, d’autant que j’ai tendance à faire plisser rapidement la plupart de mes chaussures, rien d’affolant donc.

J’ai donc commencé à porter cette paire assez régulièrement. J’avais fait exprès de choisir un richelieu marron foncé, histoire de pouvoir le porter sans me poser de questions. Pour être tout à fait honnête, j’avais en tête d’utiliser cette paire pour pouvoir rester habillé de manière assez formelle même dans des conditions où je ne souhaite pas porter de paires trop coûteuses (les plus innocents penseront aux intempéries, et les plus médisants à des soirées trop arrosées), ma paire de Myrqvist a donc vécu des conditions plus rudes que la plupart de mes autres paires.

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La paire que j’ai reçu il y a un an, avant tout cirage ou glaçage

Et au final ? Ayant pas mal de retard pour la rédaction de cet article, j’ai eu le temps de porter ma paire régulièrement. Je dois avouer que je suis plutôt satisfait. Le chaussant est assez large, ce qui m’arrange, même pour une journée un peu chargée (ou une nuit à faire la fête) si mes pieds gonflent un peu, je peux continuer à les porter. J’ai aussi trouvé que le talon s’emboîtait plutôt bien avec le mien, ce qui me donne un bon maintient général (plus que certaines autres paires). La forme du soulier, pas vraiment racée comme chez certains grands noms du soulier, n’est pas totalement ronde, ce qui lui permet d’être à la fois pas trop pataude mais quand même confortable (certains diront trop).

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Un an après, la paire a beaucoup vécu (merci l’hiver qui dure… et le flash qui accentue bien), on peut le voir au talon déjà bien attaqué. Mais dans l’ensemble, cette paire remplit bien son rôle de pneu pluie pour des journées comme… aujourd’hui!

Myrqvist, une marque inspirante

Comme je le disais malgré mes commentaires positifs, il reste un frein, tu ne peux pas essayer la marque à Paris, c’est un risque à prendre si tu souhaites la tester. Mais j’ai tenu à te la présenter, car j’y ai surtout trouvé du positif. Le produit certes, mais aussi l’univers de la marque, moderne, minimaliste, épuré, on pourrait dire « jeune » bref, adaptée à un nouveau public. C’est donc pour moi une option tout à fait envisageable dans sa gamme de prix. Une belle découverte donc associée à une belle histoire entrepreneuriale !

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Parfaits pour cette été,  un paire de mocassins à pampille

London Super Trunk Show millésime 2019

Le Super Trunk Show de Londres, Acte 3. Cette troisième édition aurait pu se contenter de reproduire ce qui avait été présenté l’an dernier, mais elle a encore innové avec de grands changements. Pour commencer un changement géographique. Le lieu étant encore plus central, situé sur Regent Street, à deux pas de Jermyn Street, idéal pour une petite balade dans les différentes boutiques de la rue. La principale nouveauté restant l’ajout d’un championnat du monde de patine, mais j’y reviendrai. Petit résumé de cette journée fort chargée, qui a fini en beauté un voyage qui m’aura amené jusqu’à Northampton.

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Nouveau local pour cette troisième édition
Nouveau local pour cette troisième édition

Les exposants

Le Super Trunk Show, c’est avant tout l’occasion pour un certain nombre de marques de présenter au public leur collection et surtout de permettre des essayages. Certaines maisons sont des habituées de l’évènement. Justin Fitzpatrick bien sûr, qui est aussi organisateur du Trunk Show, mais aussi Norman Villalta et la boutique en ligne suédoise Skolyx présents depuis sa première édition et bien sûr Saphir, partenaire principal de l’organisation.

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Saphir est présent depuis la première édition, une occasion de voir la gamme complète de produits

D’autres maisons étaient déjà présentes l’an dernier, telles que TLB à qui j’avais dédié un article, et qui présentait sa nouvelle gamme Artista, à la réalisation plus pointue que la gamme standard pour un surcoût modéré (425€ contre 365€). Ainsi que les marques japonaises distribuées par la plateforme JSEP : Miyagi Kogyo, Oriental/Matsumoto et Kiten.

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Les souliers de Normal Villalta à la ligne si caractéristique

Enfin, il y avait aussi pas mal de nouveaux exposants. En particulier deux maisons très connues des passionnés, Carmina, le fabricant majorquin spécialisé dans la réalisation de chaussures de moyenne gamme très prisées des passionnés souhaitant rester dans un budget modéré. Et bien sûr Gaziano & Girling, dans un registre plus haut-de-gamme, qui proposait lors de l’évènement le déstockage d’un certain nombre de modèles en fin de série. Une aubaine pour se faire plaisir avec une paire à presque moitié prix. Le choix était assez large et toutes les pointures étaient disponibles (en tout cas à l’ouverture). Mais c’était aussi l’occasion pour la marque de présenter quelques pieds de sa nouvelle ligne d’entrée de gamme proposée à 600£.

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Une réalisation Bolero

Parmi les autres participants se trouvait le bottier japonais Bolero, dont le travail semblait très intéressant (reste à se poser la question de la possibilité de faire de la mesure à longue distance). Les marques allemandes Shoepassion et Heinrich Dinkelacker, qui font partie de la même entreprise, mais proposent des produits totalement différents, avec des souliers très classiques et made in Spain pour la première, et une ligne appartenant plus à l’école austro-hongroise avec des modèles budapester et du cousu goyser chez la seconde, plus rustique…

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L’inimitable style budapester, par Heinrich Dinkelacker

Enfin la marque TWLV exposait des modèles de bottines plus casuals, qui sont moins ma tasse de thé. Et la marque J. Hopenstand de la maroquinerie réalisée en Suisse, assez minimaliste et colorée, bref très moderne.

J’ai survolé un peu tous les stands, en ayant un programme assez précis en tête de ce que je voulais voir. En particulier, j’étais très intrigué par la ligne Artista de TLB qui pourrait bien devenir un must have dans cette gamme de prix. Les formes sont réussies (en particulier le chiseld toe, ou carré atténué, qui est la forme qui m’intéresse) et le travail de la semelle à étudier un peu plus en détail (mais la cambrure très pincée par rapport au standard de cette gamme est très tentante, au moins visuellement). Je n’aurai malheureusement rien trouvé à mon pied chez Gaziano & Girling, une tragédie, enfin pas pour mon portefeuille. Mais j’ai pu trouver une paire de sneakers en veau-velours bleu chez J. Fitzpatrick à un tarif bien soldé, comme c’est quelque chose que j’avais en projet c’était une bonne occasion. Un bon bilan en somme.

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La nouvelle ligne Gaziano & Girling plus abordable mais toujours très soignée

Les championnats du monde

En plus de donner de la visibilité à des marques pas toujours physiquement présentes, le Super Trunk Show organise des compétitions liées au monde du soulier. La première année a permis de lancer cette série avec le championnat du monde de glaçage. L’an dernier a vu l’organisation d’une épreuve bien plus ambitieuse avec l’organisation des championnats du monde de botterie. Énorme succès, avec de nombreuses participations, dont quelques grands noms de la botterie mondiale.

Cette année, ces deux concours ont été complétés par une troisième épreuve, le championnat du monde de patine. Bien qu’elles soient nommées championnats du monde, ces trois compétitions restent bon enfant, et sont avant tout l’occasion de réunir les passionnés et les meilleurs artisans afin de montrer ce qu’on peut faire de mieux actuellement.

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en tout, une quarantaine de participants on proposé un pied cette année

Le championnat du monde de glaçage

Alors, je dois être honnête, je n’ai malheureusement pas pu assister à cette épreuve. Notre organisation ayant fait que nous sommes allés déjeuner peu avant le début de la compétition. Nous avons donc raté ces 20 minutes. Comme chaque année, les 3 finalistes ont dû réaliser le meilleur glaçage possible en 20 minutes sur une paire de richelieus couleur « gold ». L’épreuve n’est pas évidente, la couleur du cuir étant particulièrement claire, on ne parvient pas facilement à faire ressortir le glaçage. Le fait que la paire soit neuve n’arrange rien. Cette année, les trois finalistes étaient Alexey Vrublevskiy originaire de Russie, le japonais Yuta Sugimura, et Caleb Malinowski des Etats-Unis. Vous pouvez voir le résultat ci-dessous.

Le championnat du monde de patine

Nouvelle épreuve inaugurée cette année, les trois finalistes devaient réaliser une patine sur place entre 11h et 17h (avec une pause d’une heure). C’est assez impressionnant de voir les souliers évoluer en fonction du temps. Les trois finalistes étaient Stéphane Villette, participant français, bien connu des passionnés, pour son passage chez Corthay où il a développé un nombre important de patines, et pour réaliser actuellement celles des paires mesure de Stéphane Jimenez. Le second participant Samuel Norsworthy fait partie de l’équipe de Gaziano & Girling, où il officie à la patine des souliers mesure. Le troisième, Andrzej Olender, est le créateur du site theshine.shoes où il propose à la vente des modèles patinés de paires de chez Yanko ou TLB avec un surcoût d’un peu moins de 100€.

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Les trois concurrents vers 11h30, au tout début de l’épreuve
Les trois concurrents vers 11h30, au tout début de l’épreuve

Ce qui est intéressant, c’est que les résultats finaux, tous les trois excellents, sont très différents dans leur rendu. La patine de Samuel Norsworthy par exemple, est très « gazianesque » dans son style, avec peu de contraste, une couleur assez sobre, mais très jolie, profonde et un glaçage parfait. Celle de Stéphane Villette correspond peut-être plus à ce qu’on attend d’une patine que l’on va commander, une couleur originale (la base est verte), avec des contrastes assez marqués et une chaussure presque bicolore. Celle de Andrzej Olender est un peu dans le même style, avec des coups de pinceaux un peu plus visibles, la base de couleur est plus classique (un marron assez clair/miel), et ici aussi on retrouve des contrastes marqués. C’est Stéphane Villette qui a gagné cette épreuve (cocorico !!), confirmant ainsi la maîtrise dont il fait preuve.

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Les trois paires patinées en fin de journée. Quelle évolution!
Les trois paires patinées en fin de journée. Quelle évolution!

Le championnat du monde de botterie

Et voilà l’épreuve reine. Cette année il s’agissait de réaliser un richelieu full brogue marron. Je dois avouer que j’étais un peu plus emballé par le cahier des charges de cette année. D’une part parce que je préfère les souliers marrons aux noirs, et parce que je préfère les souliers brogués (avec des perforations) aux modèles plus formels tel que le richelieu cap toe de l’an dernier. Même si je dois admettre que l’armée de souliers noirs de l’an dernier était peut-être plus impressionnante visuellement car il n’y avait pas de différences de couleur entre chaque pied.

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Quelques réalisations bottière. Le bout de la paire en haut à droite est… sympathique!

Jesper et Justin vont publier un article précis détaillant tous les modèles participants. Il y avait de tout, je ne suis pas le mieux placé pour juger mais dans l’ensemble on a vu de très belles choses. On notera entre autre la participation d’Anthony Delos et de Christophe Corthay. Toujours beaucoup de participants japonais et quelques participants d’Europe de l’Est.

Le vainqueur est Daniel Wegan, qui dirige l’atelier mesure de Gaziano & Girling. Son pied fait et fera longtemps débat. Pour faire simple, sa réalisation est exceptionnelle, la forme très pincée, le talon en forme de fer à cheval, la réalisation parfaite (la tige, cousue à la main, ce qui est rare, avec 21 points par pouce, et la semelle à 25 points par pouce). Mais la forme justement n’est pas faite pour être chaussée. C’est un pied extrêmement fin, ce qui accentue l’exception de la réalisation, le côté visuel, mais ne correspond pas à ce qu’on va trouver en allant chez un bottier. Alors bien sûr, on peut se dire qu’il y a peu de logique à ça. Mais en même temps, on ne parle pas d’un pied réalisé pour un client, mais d’une compétition qui permet d’illustrer l’état de l’art de ce qui peut être fait en botterie, peu importe le temps nécessaire, seule l’habileté et le talent comptent.

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Daniel Wegan, vainqueur du championnat du monde de botterie interviewé par Jesper de Shoegazing

On trouvait en deuxième position, la réalisation de Christophe Corthay (qui officie à l’Atelier du tranchet) suivi par Eji Murata de la maison Main d’or et Nicholas Lamperdorfer (de chez Gaziano & Girling, lui aussi, décidément).

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Détails du pied présenté par Christophe Corthay. J’adore cette petite touche de orange
Détails du pied présenté par Christophe Corthay. J’adore cette petite touche de orange

Un évènement qui se bonifie

Avec cette troisième édition, les organisateurs de l’évènement prouvent que celui-ci est un vrai succès, et que passée la nouveauté, nous sommes toujours nombreux à faire le déplacement. Avec la barre des 1000 participants franchie, et un peu plus de 90000€ de chiffre d’affaire pour les exposants, tout le monde peut être satisfait. Ce qui est du meilleur augure pour les prochaines éditions.

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D’autres pieds du concours
D’autres pieds du concours
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Toujours des propositions pour le championnat de botterie
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Même les semelles peuvent être décorées et personnalisées
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D’autres réalisations de Bolero
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Le mocassin à pampilles, un must have pour l’été
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résultat après 5h de patine
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Quelque chose de plus sobre, ce glaçage….
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troisième proposition, avec un laçage original
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détails du soulier réalisé par Daniel Wegan
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Un des modèles de la gamme Artista de TLB
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Le meilleur moyen de résister à la tentation…

Pitti 95 : la maturité sartoriale?

Ça y est, l’édition hivernale du Pitti Uomo est passée. Entre point d’orgue d’un secteur en crise et grand-messe du style devenue cette dernière décennie un vrai rendez-vous populaire, Lire la suite de « Pitti 95 : la maturité sartoriale? »

Scabal, l’exception(nel) Belge

En tant que client final, il est rare que l’on ait accès directement aux drapiers qui fournissent les tissus utilisés pour nos costumes. En général, le tailleur se charge d’avoir en boutique les liasses permettant le choix du tissu et s’occupe de la commande. Au mieux, certains passionnés vont se charger de chercher eux-mêmes leur tissu chez un grossiste,

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Pichet Paris : la maroquinerie Made in France personnalisable

Après avoir parlé de maisons avec un long passé ces derniers temps, intéressons-nous aujourd’hui à une marque beaucoup plus jeune, Pichet Paris, qui propose une offre de maroquinerie entièrement faite en France. Lire la suite de « Pichet Paris : la maroquinerie Made in France personnalisable »

Sartoria Voglio : l’art du pantalon

Un des métiers qui est le plus longtemps resté dans l’ombre est celui de culottier. La personne en charge de réaliser des pantalons pour un tailleur est toujours restée dans l’ombre de celui-ci. Pourtant, l’arrivée des réseaux sociaux et avant eux des forums a permis à des dizaines de passionnés de lancer des discussions au sujet du pantalon sur-mesure, alors même que c’est la pièce Lire la suite de « Sartoria Voglio : l’art du pantalon »

Carl Friedrik, la maroquinerie minimaliste

J’ai découvert la marque Carl Friedrik il y a un peu plus d’un an lors du Super Trunk Show de Londres. Au milieu de toutes ces chaussures, forcément, des sacs, ça dénote. Lorsqu’en plus, le design des sacs est réussi, ça m’intéresse encore plus ! Mais j’y reviendrai plus bas. La bagagerie / maroquinerie me semble avoir une place à part dans le vêtement masculin. Même si les modes ont évolué, et que les pièces classiques ont été reléguées au rang d’option, ces accessoires « obligatoires » (ou plutôt pratiques) ont toujours eu une place réservée dans les rayons des boutiques. Malheureusement la plupart du temps, ce qu’on trouve est assez peu qualitatif (comme partout, la grande majorité des produits est médiocre, et une infime partie peut aller jusqu’à l’exceptionnel), et surtout un design particulièrement peu travaillé, vu et revu.

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